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Actualités de la FFG

 

Hommage à Maître Lim
13/09/2016, Clément BÉNI

En fin de semaine dernière, le bureau de la FFG a diffusé la nouvelle :

« Nous avons eu la tristesse d'apprendre le décès d'Eugène Lim (Lim Yoo Jong de son nom de naissance) survenu le 7 septembre 2016 à Plaisir (78).

Joueur de go amateur fort (5d) d'origine coréenne, il est arrivé en France à la fin des années 1960 et il a enseigné le jeu de go à la première génération de joueurs français. Il s'est particulièrement intéressé à la théorie des débuts de parties et, à ce titre, il a écrit plusieurs critiques intéressantes de fusekis de parties de joueurs professionnels. Il a tenu durant plusieurs années une rubrique dans la Revue Française de Go.

Membre d'honneur de la Fédération Française de Go, son nom est associé, depuis sa création en 2003, à une des plus belles compétitions nationales : le championnat de France des clubs, plus connu sous le nom de Coupe Maître Lim. »

En complément à cet hommage, à ceux qui lui ont été rendus sur la liste de discussion des joueurs de Go (Fr-Go) et à tous ceux qui viendront, je propose ici de citer quelques unes des pierres qu'il aura posées dans le monde du go français. Celles là même qui lui valurent la Médaille d'Or de la Jeunesse et des sports le 22 juin 1994.

 

«La Médaille d'Or de la Jeunesse et des Sports a été remise à Maître Lim le 22 juin, par Michèle Alliot-Marie, notre ministre de tutelle. C'est la première fois qu'une médaille d'or est accordée à quelqu'un de notre Fédération, et ce n'est que la plus élémentaire justice qu'elle ait été décernée à Maître Lim. Par cette distinction se trouvent à la fois reconnus la place du go parmi les jeux de l'esprit, et le rôle unique et indispensable tenu par Maître Lim, en durée et en intensité. Je me félicite donc a posteriori que nous ayons soutenu l'idée d'une "médaille d'or ou rien" pour Maître Lim, réservant les médailles d'argent et de bronze, qui nous avaient été attribuées jusque là, à des individus moins recommandables

Tels étaient les mots  de Philippe Bizard dans l'éditorial de la revue française de go n°67, au 3ème trimestre 1994. Et la rubrique GO INFOS de compléter : « Cette médaille récompense l'activité pédagogique qu'il a déployée depuis ce jour de 1969 où il passa par hasard devant l'Impensée Radical, où se réunissaient la poignée d'adeptes d'un jeu aussi bizarre qu'exotique, et qu'il n'a jamais abandonnées depuis vingt-cinq ans.»

Belle transition vers les débuts du go en France. Pour aborder cette période je vous invite à lire Histoire du Go en France 1965-2013 et Avant que la Revue n'existe, article paru dans la revue Française du go n°100 et qui est un récit de cette époque par ceux qui l'ont vécue (d'ailleurs la plupart sont toujours des membres actifs de la fédération ... à l'image de certains disciples de Kitani Minoru).

Pour en résumer le propos : même si l'on comptait déjà quelques joueurs en France, notamment le mathématicien Claude Chevalley, l'écrivain Georges Perec ou encore quelques élèves de l'école normale supérieure, c'est réellement Maître Lim qui va faire naître le go en France. D'une part car il avait un bon niveau et a pu former plus d'une génération de joueurs, notamment Patrick Mérissert-Coffinières qui deviendra champion d'Europe en 1975, mais surtour car Maître Lim va rassembler les joueurs autour de lui. Cela se traduira :

  • en 1969 par la création du premier club de go français
  • en 1970 par de l'association française de go qui organisera le premier championnat de France en 1971
  • devenue fédération française de go en 1978 et qui organisera dès l'année suivante le championnat d'europe et le congrès européen.

Evènement qui sera à nouveau organisé en 1987 à Grenoble où aura lieu le 1er Championnat d'Europe open de Go sur ordinateur. Dans la brochure de ce congrès, après une introduction sur l'histoire du jeu et sur les règles, Maître Lim signait un article intitulé « Du Wei-chi, du Go, du Badouk » En voici un extrait :
« Les tactiques et machinations les plus machiavéliques d'une stratégie militaire se retrouvent dans le Wei-chi. Alors, est-ce que le Wei-chi est un art meurtrier ? Oui sur le plan psycho-technique, mais absolument pas au niveau social ; il y a une tradition orale selon laquelle un très ancien sage, monarque chinois du nom de Yao, a initié au Wei-chi son fils avare et borné pour le détourner de sa brutalité envers la société humaine. Magré sa rivalité et sa combativité, le Wei-chi amène à se lier d'amitié spontanément avec les autres ; en jouant au Wei-chi dans le silence, on trouve le caractère d'un partenaire et on se familiarise sans reconnaître la classe sociale ; voilà ce que l'on appelle historiquement "communication non verbale".»

On admirera la plume du Maître, qui maîtrisait notre langue (entre autre) et c'est d'ailleurs pour parfaire cette connaissance qu'il était présent à Paris dans les années 1960. Cette plume il l'a d'ailleurs prise à de nombreuses reprises que ce soit dans des livres ou des revues. Auteur de plusieurs ouvrages dont Le jeu à neuf pierres, il a créé dans les années 1990 la publication Noir et blanc il a également été un auteur régulier de la revue française de go. Il y aura notamment une chronique régulière, partant aussi bien de l'actualité internationale du go, que du style de certains joueurs, faisant son autocritique ou comparant le go à la cuisine chinoise ...

En 2003-2004 son nom fut donné au championnat de France par équipe, preuve de l'estime et du respect que lui témoignaient les joueurs de go français. A l'annonce de sa disparition, de nombreux joueurs ont témoigné de leur émotion, partageant le souvenir, les comportements, les habitudes du maître. Et même pour les plus jeunes, ceux qui ne l'ont pas directement connu, ceux d'après la vague Hikaru (dont je fais partie), la nouvelle de sa disparition ne laisse pas indifférent.